Illustrée par la bédéiste Sophie Bédard, notre campagne sera visible dans l’espace public et les transports en commun montréalais du 7 octobre au 7 novembre 2019. Elle se compose de quatre affiches illustrant différentes situations de harcèlement de rue vécues par une diversité de femmes, tirées des 250 témoignages que nous avons reçus dans le cadre du questionnaire mené au printemps 2017.
Nous vous invitons à les télécharger, à les imprimer, à les diffuser!
Ces affiches ont été co-créées par des militantes du CÉAF et trois focus groupes, composés de femmes vivant diverses réalités et issues de différents milieux. Malgré tout, nous sommes conscientes que nos affiches ne représentent pas, à elles seules, l’ampleur des expériences vécues par toutes les femmes.
Parce que nous en avions assez des messages laissant entendre qu’il revient aux femmes de dénoncer les violences qu’elles subissent et d’apprendre à s’en défendre, nous avons décidé de braquer les projecteurs sur les harceleurs, les témoins et la population en général, afin que tout ce beau monde se sente concerné.
Nous avons plusieurs objectifs avec cette campagne :
- Dire aux harceleurs qu’ils ne pourront plus agir en toute impunité et qu’ils sont entièrement responsables de leurs actes;
- Mettre fin à l’indifférence généralisée autour du harcèlement de rue à Montréal et abaisser le seuil de tolérance sociale face au problème;
- Mobiliser les témoins à intervenir en solidarité avec les femmes harcelées;
- Déculpabiliser les femmes qui y sont confrontées et leur faire savoir qu’elles ne sont pas seules.
NOTRE DÉFINITION DU HARCÈLEMENT DE RUE
Il s’agit du harcèlement sexuel exercé dans les lieux publics et les transports en commun, à toute heure et en toute saison, par des inconnus, majoritairement des hommes et des adolescents, ciblant majoritairement des femmes et des adolescentes. Il prend racine dans les mentalités sexistes et s’appuie sur plusieurs autres discriminations. Ainsi, les femmes trans, autochtones, racisées, lesbiennes, les jeunes, les itinérantes et les femmes vivant avec des limitations fonctionnelles y sont davantage confrontées. Il faut souligner qu’en cette ère de Loi 21, les femmes musulmanes sont particulièrement ciblées.
Le harcèlement de rue prend la forme de propos ou comportements sexuellement explicites, intrusifs, insistants et non-sollicités. Des exemples : suivre une femme, commenter son apparence, la siffler, la fixer du regard, lui dire de sourire, l’interpeller de manière dégradante, lui lancer des remarques à caractère sexuel, des insultes, des menaces, se masturber devant elle, se frotter délibérément contre elle.
Dans les témoignages que nous avons recueillis, les femmes ont exprimé vivre de l’anxiété, de la peur, de la colère, de l’hypervigilance. Elles ont nommé se sentir menacées, déshumanisées, réduites au statut d’objet. On est donc très loin des effets d’une supposée blague, d’un compliment maladroit ou d’une séduction malhabile : on est face aux impacts des violences sexistes. Ajoutons que les victimes sont généralement blâmées d’avoir provoqué ces actes, tant par le harceleur que par les autorités auprès de qui elles tentent de dénoncer, parfois aussi par les témoins et les proches à qui elles se confient.
De plus, pour l’éviter, elles utilisent de nombreuses stratégies contraignantes telles que ne plus sortir seule, regarder souvent derrière soi, changer d’itinéraire, être toujours en mouvement pour paraître moins accessible, éviter de regarder les passants dans les yeux, porter des écouteurs et des vêtements sobres masquant leurs formes et permettant de passer inaperçue…
Omniprésent dans la vie des femmes, il s’agit d’une expérience quotidienne de la violence sexuelle. En fait, le harcèlement de rue se situe au tout début du continuum des agressions sexuelles. Le tolérer, c’est renforcer l’impunité des harceleurs, leur lancer le message que leur comportement est socialement acceptable. C’est obliger les femmes à le subir en silence. Le refuser, c’est mettre du sable dans l’engrenage infernal de la culture du viol.
COMMENT NOUS LE COMBATTONS
Nous refusons qu’il soit considéré comme un problème qui ne concerne pas que les harceleurs et leurs cibles. C’est un problème de société, qui nécessite une riposte sociétale et une responsabilisation accrue de ceux qui le commettent.
Nous voulons que les témoins du harcèlement de rue interviennent solidairement avec les femmes ciblées.
Nous voulons que l’entourage des victimes croit leurs paroles et les soutienne.
Nous voulons que les services policiers, la Ville, la STM les prennent au sérieux et cessent de banaliser leurs vécus.
Nous voulons que la population arrête de justifier et d’excuser ces actes.
Nous voulons mettre fin à l’impunité des harceleurs, leur faire porter la responsabilité de leurs actes, pour qu’ils ne se sentent plus JAMAIS légitimes de les commettre.
Par-dessus tout, nous voulons que toutes les femmes et les filles puissent circuler et occuper librement l’espace public, sans subir de violence, partout, tout le temps.
Nous avons la conviction que ces changements sociaux passent par l’éducation et la lutte contre les multiples discriminations qui oppriment les femmes. C’est dans cette optique que s’inscrit notre campagne d’affichage féministe intersectionnelle.
NOS REVENDICATIONS
Notre campagne est évidemment insuffisante : le CÉAF ne pourra pas à lui seul abolir le harcèlement de rue et ce, malgré la grande combattivité des militantes qui s’y impliquent! Au-delà de l’affichage, une diversité d’actions est nécessaire. Voilà pourquoi nous revendiquons que la Ville, la STM, le SPVM et le gouvernement en place prennent leurs responsabilités et offrent des mesures sérieuses en vue de donner un réel soutien aux femmes harcelées dans l’espace public, notamment :
- Former leur personnel à recevoir les dénonciations avec respect et à référer les victimes vers des ressources d’aide adéquates, adéquatement financées;
- Intégrer le harcèlement de rue aux cours d’éducation à la sexualité;
- Récolter des statistiques sur les actes de harcèlement de rue pour mieux les documenter;
- Se positionner publiquement contre le harcèlement de rue, organiser des discussions publiques sur le sujet en nous invitant à partager notre expertise.
NOS PARTENAIRES
Femmes et Ville International
Table des groupes de femmes de Montréal
Conseil des Montréalaises
Mouvement contre le viol et l’inceste
NOS SUBVENTIONNAIRES
Secrétariat à la condition féminine
Arrondissement Ville-Marie
RECHERCHE SUR LES IMPACTS DU HARCÈLEMENT DE RUE
Nous contribuerons bientôt à combler l’absence de données scientifiques québécoises sur le harcèlement de rue. Nous menons actuellement une recherche, avec le Service aux collectivités de l’UQÀM et les chercheuses Mélissa Blais et Mélusine Dumerchat, en vue de documenter les impacts du harcèlement de rue sur les femmes à Montréal. Un focus groupe aura lieu le 24 novembre 2019 afin de nourrir cette recherche. Nous sommes particulièrement sensibles aux expériences des femmes ayant aussi subi du harcèlement sur la base de leur handicap, leur religion, leur orientation sexuelle, leur âge, leur appartenance à une communauté autochtone ou leur race, parce que nous estimons cette parole féconde et trop souvent invisibilisée.
Intéressée à en savoir davantage? Contactez l’équipe de recherche à cette adresse : recherche.hdr@gmail.com.