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COMMUNIQUÉ: Lancement de l’étude Jeunes et harcèlement de rue: de la recherche à l’action


Communiqué de presse – Diffusion immédiate

Dévoilement des résultats de la recherche-action

Le harcèlement de rue envers les jeunes : de la recherche à l’action

« L’épicerie est pas trop loin de chez moi, donc on marche. Y’a une voiture qui passe et qui s’arrête à la hauteur de ma soeur. Pis l’homme lui dit « toi, la blonde, je te prendrais pour la nuit ». Pis là je vois ma soeur qui se retourne vers moi, elle comprend pas… elle a 10 ou 11 ans. »

MONTRÉAL, le 28 avril 2023 – Le Centre d'éducation et d'action des femmes de Montréal (CÉAF) et l'équipe de recherche partenariale dirigée par Mélusine Dumerchat, doctorante en sociologie à l'Université du Québec à Montréal (UQAM), lancent aujourd’hui le rapport de recherche intitulé « Le harcèlement de rue envers les jeunes : de la recherche à l’action ». Ce rapport présente les résultats de l’une des premières études québécoises mettant en lumière les expériences de personnes mineures ayant vécu du harcèlement de rue, une forme de violence commise par des inconnus dans l’espace public.

Cette recherche-action a bénéficié du soutien financier de la Ville de Montréal et de l’OBNL de recherche Mitacs. Elle s’inscrit dans la lignée de deux autres études menées en partenariat qui ont été publiées par le CÉAF et l’UQAM en 20211 et 20222. Celles-ci dévoilaient déjà que le harcèlement de rue est un problème social fréquent, exercé majoritairement par des hommes majeurs ciblant surtout des femmes et des personnes de la diversité de genre. Leurs résultats démontraient que parmi ces dernières, ce sont les plus jeunes, celles qui sont racisées, autochtones ou en situation de handicap qui sont les plus touchées.

La recherche lancée aujourd’hui démontre que ce sont également des hommes majeurs qui, le plus souvent, harcèlent des filles mineures dans l’espace public. Elle dévoile que ces violences, majoritairement à caractère sexuel, surviennent très tôt dans la vie des jeunes victimes, plusieurs ayant témoigné en avoir subi dès l’âge de 10 ans. « Le harcèlement de rue relève aussi de l’adultisme », affirme Mélusine Dumerchat, l’autrice du rapport. Il s’agit d’un rapport de pouvoir qui soumet les jeunes, en tant que groupe social, à l’autorité des adultes et qui les prive d’un certain nombre de droits, par l’imposition du statut de « mineur.e » notamment. « On constate avec cette recherche que des hommes adultes s’appuient sciemment sur cette inégalité pour commettre des violences envers les filles.»

Les résultats de cette nouvelle enquête s’appuient sur l’analyse des récits de 26 participantes âgées de 11 à 32 ans. La plupart d’entre elles sont des jeunes racisées et résident à Montréal. Attouchements, regards insistants fixés sur leurs seins, leurs fesses ou leurs jambes, exhibitionnisme, sollicitations sexuelles et commentaires sur leurs corps font partie des pratiques courantes de ceux qui les harcèlent, le plus souvent en plein jour et dans des lieux achalandés comme le transport en commun. Le rapport détaille les impacts concrets de ces violences sur les filles et les jeunes femmes rencontrées, notamment la manière dont ces violences briment leur autonomie en les privant de la possibilité de circuler librement dans l’espace public. L’étude révèle également que les filles sont préparées dès un très jeune âge à subir ces violences, par le biais des nombreuses mises en garde émises par des adultes de leur entourage quant à leurs sorties dans l’espace public. Et pourtant, elles ne sont pas outillées à y faire face. « Tout, dans l’éducation des filles, semble concourir à les priver de la capacité à se défendre, mais elles développent par elles-mêmes des tactiques d’évitement et d’autodéfense pour composer avec ces violences » ajoute Mélusine Dumerchat.

Pour Audrey Simard, intervenante au CÉAF responsable du dossier lutte au harcèlement de rue et déléguée au Comité d’encadrement de cette recherche-action, « s’il y a un constat dont la société doit prendre acte dès maintenant, c’est que la gravité - hautement préoccupante - des impacts de ces violences sur les mineures est exacerbée par l’indifférence, la banalisation, l’inaction et le manque de soutien de la plupart des adultes de leur entourage, tant les témoins de ces situations que les personnes à qui elles choisissent d’en parler. Il est urgent de prendre conscience que ces attitudes nourrissent l’impunité dont bénéficient ceux qui commettent ces actes, dont on tait généralement la responsabilité. »

Le rapport se conclut avec les pistes d’action envisagées par les participantes ainsi que par les militantes du Collectif La voix des jeunes compte, des sexologues et des intervenantes oeuvrant dans les services sociaux, en milieu scolaire et communautaire. À l’issue de cette recherche, Mélusine Dumerchat invite « à repolitiser le harcèlement de rue, plutôt que de le réduire à une série de faits divers ». Il s’agit selon elle de s’attaquer aux structures sociales qui permettent à ces violences d’être perpétrées.

Quant à l’équipe du CÉAF, elle espère que l’étude « permettra aux enfants et adolescent.e.s de s’approprier les mots nécessaires pour identifier, comprendre et nommer ces violences, parce qu’à l’heure actuelle, elles et ils sont privé.e.s des informations et notions qui leur permettraient d’y arriver », affirme Audrey Simard. Elle tient à rappeler le rôle essentiel des ressources d’aide offrant un soutien confidentiel, gratuit et professionnel aux mineur.e.s qui, comme le laisse présager cette étude, peinent à trouver de l’aide quand iels souhaitent dévoiler leurs vécus de harcèlement de rue. Deborah Trent, directrice générale du Centre pour les victimes d’agression sexuelle de Montréal, qui gère la ligne Info-aide violence sexuelle, mentionne qu’« offrir de l’écoute immédiate et 24/7 à une personne qui a besoin d’aide est essentiel. Faciliter l’accès à notre ressource permet aux personnes de se rétablir et ultimement, de reprendre du pouvoir. Souvent, les jeunes qui subissent du harcèlement de rue ont besoin de soutien pour identifier ce qui leur est arrivé. Nous devons faire beaucoup de déconstruction de mythes auprès d’elles et eux, mais aussi de leurs proches.» Shanda Jolette, sexologue et directrice de programme à L'Anonyme, abonde dans le même sens et ajoute que « la responsabilité de favoriser un partage égalitaire et sécuritaire de l’espace public incombe à toutes et tous. Nous devons questionner nos propres privilèges et l'intériorisation des stéréotypes de genre, bien ancrés dans la société.»

Le harcèlement de rue, c’est de la violence et c’est inacceptable! Des ressources d’aide sont disponibles pour vous soutenir, quel que soit votre âge :

• Info-aide violence sexuelle : 1-888-933-9007 (Ligne provinciale 24/7)

Interligne : 1-888-505-1010 (Ligne provinciale 24/7 pour la communauté LGBTQ+)

• Tel-Jeunes : 1-800-263-2266 (Ligne provinciale pour les moins de 20 ans)

• Centre de prévention des agressions de Montréal (cours d’autodéfense) : 514-284-1212

• L’Anonyme : soutien psychosocial et ateliers d’éducation à la sexualité (https://www.anonyme.ca/programmes/education-sexuelle/)

CONSULTER LE RAPPORT

30-

L’équipe de recherche partenariale est disponible pour des entretiens :

Mélusine Dumerchat, chercheure doctorale à l’UQAM : melusine.dumerchat@gmail.com

Audrey Simard, intervenante communautaire au CÉAF : a.simard@ceaf-montreal.qc.ca

1 Blais, Mélissa, Dumerchat, Mélusine et Simard, Audrey (2021). Les impacts du harcèlement de rue sur les femmes à Montréal. UQAM/CÉAF.

2 Courcy, Isabelle, Lavoie Mongrain, Catherine, Blais, Mélissa (2022). Rapport de recherche sur le harcèlement de rue à Montréal. Un portrait statistique de la pluralité des expériences, des manifestations et des contextes. Montréal : UQAM/CÉAF.

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28 avril

Jeunes et harcèlement de rue: brisons le silence et l'indifférence!